jeudi 8 mars 2007

Contre l'exclusion, l'autogestion dualiste

De toutes les difficultés de notre société actuelle, le problème majeur est l’exclusion du « marché » de l’emploi. L’autogestion anarchiste permettrait-elle de résorber totalement ce fléau ? Partant du principe que le droit de chacun à consommer est strictement conditionné au devoir de chacun à participer à la production collective, cette question devrait être logiquement réglée. Or les choses sont autrement plus complexes. Car l’obligation d’activité pour un individu en autogestion ne peut être remplie que s’il y a parallèlement assentiment de la structure à l’accueillir et à le garder durablement. La seule différence par rapport au système actuel, c’est que l’employeur est dans ce cas la totalité des travailleurs de cette structure, éventuellement représentés par des délégués, au lieu d’être une seule personne (entreprise) ou un groupe restreint d’individus (société) appelé le patron. En effet, qu’est-ce qui empêcherait la communauté des travailleurs d’une structure réunis en assemblée générale de voter pour X raison « contre » l’intégration d’un(e) certain(e) nouveau(elle) ou pour l’exclusion de l’un (e) des leurs à un moment donné ? Le coût du travail inexistant en l’absence d’argent ? Non, puisque cette possibilité de refus d’intégration et d’exclusion existe également actuellement dans le cadre du bénévolat associatif.

Une obligation ne valant donc que par sa réciprocité, il est naïf de croire que ce seul changement d’organisation sociale suffirait à mettre fin au problème de l’exclusion. Soyons réalistes : dans la société actuelle, la revendication autogestionnaire ne peut qu’impérativement s’accompagner d’une lutte pour un changement radical des mentalités chez nos concitoyens acceptant très mal la différence et le hors norme. Car s’il existe bien sûr un ou deux motifs tout à fait légitimes au refus d’intégration et à l’exclusion du travail de certains individus, comme notamment la paresse constante et la faute grave, il en existe un autre que je trouve à mon sens totalement injuste : la non-conformité de la personne aux normes socialement admises. Elle regroupe entre autres ces quelques caractéristiques : look non à la mode du moment ou qu’affectionne la personne bien que le portant mal, habitudes de vie ou manières personnelles différentes de celles des autres (visibles dans la sphère publique), tempérament indépendant de forte individualité ne concédant rien de ses opinions (mais sans pour autant porter préjudice au collectif), et quelques très légers handicaps physiques (parce que non reconnus comme tels par la masse).

Sauf à peut-être s’imaginer que la société autogestionnaire serait composée intégralement d’anarchistes convaincus (et encore, je suppose que nous ne regroupons pas non plus uniquement des gens parfaits) ? Alors là, compagnons, ne nous leurrons pas. Considérons les résultats des élections depuis quelques années : ils dégagent des majorités bien plus proches des 50 % (et même en-dessous !) que des 90 % et pas très stables sur la durée : « un coup à droite, un coup à gauche » est devenue une habitude quasi rituelle. Alors ne nous faisons pas d’illusion : si nos concitoyens se décident un jour à nous « essayer » également en nous rejoignant sur des projets alternatifs, ce sera dans ces mêmes proportions et avec aussi l’intention de revendiquer au bout d’un certain temps un retour à l’ancien système si l’expérience ne les a pas satisfaits. Partons donc plutôt sur l’idée que la société autogestionnaire au départ comportera « une petite majorité d’anarchistes » et « une grosse minorité de gens d’autres convictions » et qu’il nous faudra bien faire avec leur conception des choses même si ça ne sera pas toujours évident. Mais cette lutte pour le changement des mentalités, bien qu’indispensable, dans la mesure où selon nos principes elle ne peut prendre qu’une forme incitative et non obligatoire, ne comporte bien sûr non plus aucune garantie de réussite.

Je pense donc qu’il nous faut revoir et amender notre projet autogestionnaire dans le sens d’une solution rendant impossible l’exclusion de qui que ce soit. Oui c’est possible si nous acceptons de prendre à cœur cette question, de la classer parmi les priorités et j’ai bien sûr quelque chose à proposer. Jusqu’à maintenant quand on parle d’autogestion, on entend autogestion « fédéraliste », ce qui suppose la présence d’au moins deux ou trois personnes constituant les diverses structures de production. L’autogestion fédéraliste est donc nécessairement une gestion collective. Ma proposition est d’instaurer parallèlement une autogestion individuelle, donnant ainsi aux personnes n’ayant réussi à s’intégrer nulle part la possibilité de s’installer seules : établir l’équivalent de l’actuel statut de travailleur indépendant, en quelque sorte. En l’absence d’argent dans cette nouvelle société, l’argument du risque d’accumulation de profit personnel est forcément obsolète. Il reste bien sûr celui de l’appropriation personnelle de la structure, me rétorquerez-vous. Comment éviter qu’avec le temps la personne indépendante ne se sente finalement propriétaire de l’unité de production qu’elle gère au bénéfice du seul bien commun ? Et bien pour l’empêcher, il suffit simplement d’établir des principes mis en œuvre chaque fois que nécessaire au niveau politique. On peut très bien convenir, au niveau politique inter fédéral, des mesures suivantes :

- le travailleur indépendant, reconnaissant le fait qu’il est seul dans sa structure « à défaut d’avoir trouvé des personnes avec lesquelles se fédérer », doit laisser sa porte en permanence ouverte à quiconque voudrait un jour le rejoindre pour fonder une structure fédérale.

- au même titre que ces dernières, il doit confier la gestion et la distribution de son stock aux organisations de consommateurs.

- Il s’engage, sauf motif valable communiqué aux consommateurs (maladie, vacances etc…), à une présence physique régulière dans sa structure (sauf si la nature de son activité nécessite des déplacements) et à l’exercice effectif de son activité.

- Il ne doit en aucun cas utiliser sa propre production à des fins d’usage personnel. En d’autres termes il devra aller acheter ailleurs que « chez lui » le produit qu’il fabrique lui-même (ceci ne vaut bien sûr que pour l’activité exercée au sein de « sa structure de travail », gardant bien sûr une entière liberté de fabrication artisanale de tous ordres pour sa propre satisfaction personnelle « dans sa propriété à usage d’habitation »).

- En cas de volonté de cesser cette activité, il devra en avertir les délégués de la commune sur laquelle est implantée la structure afin qu'ils puissent au plus vite prendre toute décision quant au devenir de l'infrastructure restée vacante.

En cas de refus persistant à respecter ses principes, les délégués communaux pourraient alors, en plein accord avec l’une des AG citoyennes, décider de mettre fin à l’activité de cette personne ayant fait « abus d’individualisme ».

De cette manière, je suis persuadée qu’aucun travailleur indépendant ne pourrait « chopper la mentalité de propriétaire de l’unité de production qu’il gère » et retomber ainsi dans le travers actuel de l’accumulation de biens personnels. Et cette autogestion individuelle constituerait ainsi une voie de secours pour les quelques individus que personne ne veut faire l’effort de supporter sur les lieux d’activité, plutôt que de les laisser vicieusement « faire le tour du monde » jusqu’à trouver une structure qui les accepte ! Car ne serait-ce pas alors une nouvelle forme d’arbitraire ? N’ayant pas demandé à venir au monde, je pars personnellement du principe qu’ils ont le droit de travailler et de consommer comme les autres.

Ces deux formes d’autogestion mises en œuvre : l’autogestion fédérale et l’autogestion individuelle indépendante formeraient ainsi ce que j’appelle « l’autogestion dualiste » (cette appellation ne tenant bien sûr qu’à moi).

Je soumets cette idée à la réflexion de tous les anarchistes, électrons libres et membres d'organisations.

Skazat

2 commentaires:

Anonyme a dit…

T'as raison !

Maintenant il y aussi dans la meme veine, le cas des travellers : là je crois qu'il faut un système permettant de vrifier qu'il ne s'agit pas de nouveaux parasites en mouvement.

La possibilité de contacter les personnes qui les ont connus en situation de production.

Anonyme a dit…

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