samedi 28 avril 2007

mercredi 25 avril 2007

Un glissement vers un régime autoritaire (1)

C'est la deuxième fois que les idées de l'extrême droite s'invitent au deuxième tour. Pour ceux qui connaissent des Sarkozystes dans leur entourage proche, transmettez ce message. Il est certes un peu long, mais essentiel pour cerner la personnalité et le bilan du nouvel homme incontournable des médias. Certains y voient un Berlusconi ou un Bush "à la française", d'autres un lepen qui se serait acheté sa respectabilité... à vous de vous décider mais posez vous malgré tout la question dans l'isoloir : même si Ségolène et sa campagne sont lamentables à bien des égards, ce type est psychologiquement inquiétant. Et si le premier pas vers un régime autoritaire et fascisant ne s'appelait pas Jean Marie Lepen mais Nicolas Sarkozy ?


Oui, Nicolas Sarkozy est dangereux !

Le titre pourrait faire figure de déjà vu s’il n'était pas écrit pas un journaliste d'un des journaux les plus lu en Belgique "Le Soir". Voici comment Joëlle Meskens voyait le candidat de l'UMP dans un papier daté du 14 avril 2007 :

"Jusque-là, nous ne l'avions pas écrit. parce qu'il demeure exceptionnel que "Le Soir" prenne position dans une élection, comme il l'avait fait pour soutenir John Kerry face à Georges Bush aux Etats-Unis.

Cette fois pourtant, on ne pouvait pas rester sans le dire. Oui, Nicolas Sarkozy est dangereux. Parce que le candidat de l'UMP à l'Elysée a franchi la ligne rouge. Ses propos sur le caractère inné de la pédophilie ou de la tendance suicidaire de certains citoyens bouleversent tous les principes de l'humanisme. La société ne servirait donc à rien ? A quoi bon alors l'éducation, la famille, l'amour, l'apprentissage de la tolérance, si le seul destin décide de faire un homme un héros ou un monstre ? Ses propos sur l'Allemagne, prédisposée à s'abandonner au nazisme, sont tous aussi écœurants. Et que dire de cette phrase, entendue dans un meeting :" La France n'a pas à rougir de son Histoire. Elle n'a pas inventé la solution finale." Aurait-il oublié que la France a collaboré ? Que Vichy a livré des Juifs aux nazis ? Jacques Chirac a beaucoup de torts. Mais il a eu le courage, lui, de reconnaître la responsabilité de l'Etat français dans la collaboration.

Ce virage complète chez Nicolas Sarkozy une posture résolument populiste. Combien de fois, lorsqu'il était en poste place Beauvau, n'a-t-il pas accusé les juges de ne pas en faire assez, violant ouvertement la séparation des pouvoirs ? Sa mainmise sur les médias ne laisse pas d'inquiéter, elle aussi, obtenant le limogeage d'un directeur dérangeant, discutant là de l'embauche d'un journaliste chargé de couvrir l'UMP. Et que dire de ses déplacements de campagne ? Non seulement il ne peut plus se rendre en banlieue, là où Jean-Marie Le Pen se promène désormais, mais même dans des quartiers dits moins "chauds" comme il y a quelque temps déjà à la Croix Rousse à Lyon, il doit reculer par crainte des manifestants.

"Prendre des voix au Front national, est-ce mal ?" , interroge Nicolas Sarkozy. Non, bien sûr, au contraire. Mais à condition de ne pas séduire ses électeurs avec la même rhétorique. Au soir du premier tour, Nicolas Sarkozy est le seul candidat qui puisse se féliciter d'avoir asséché le terreau électoral du FN. Mais à quel prix ? Celui, affolant, d'une lepénisation des esprits."

mardi 24 avril 2007

Election présidentielle : nous ne compterons que sur nos luttes

"A l’issue du premier tour de l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal vont s’affronter pour l’accession au pouvoir. Les militants anarchistes n’ont donné aucune consigne de vote au premier tour et n’en donnent pas davantage au second.

Nicolas Sarkozy et l’UMP portent un projet libéral pour les riches et sécuritaire pour les pauvres. Si Sarkozy est élu c’est une véritable démolition sociale qui attend les classes populaires (augmentation de la durée du travail, généralisation de la précarité avec la fin du CDI), une intensification de la chasse aux immigré-e-s, une répression policière accrue dans les quartiers populaires. Il incarne en outre une droite de plus en plus autoritaire, liberticide et xénophobe comme en témoignent ses déclarations durant la campagne sur la création d’un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale ou encore sur la prédétermination génétique de la pédophilie et du suicide.

Quant à Ségolène Royal elle ne représente en aucun cas une alternative à la politique libérale de la droite. Après avoir entrepris entre 1997 et 2002 une bonne part des privatisations réclamées par la bourgeoisie, le Parti socialiste entend s’attaquer lui aussi au CDI et au droit à un salaire décent, tout en faisant des cadeaux au patronat avec le Contrat première chance. La proposition de porter le salaire minimum à seulement 1200 euros nets démontre qu’il n’est pas question pour le PS de redistribuer les richesses que détourne le patronat au détriment des conditions de vie des salarié-e-s. Quelle que soit l’issue du second tour, les travailleurs et les travailleuses ne pourront compter que sur leurs luttes pour imposer une réelle redistribution des richesses et le droit à un logement décent, empêcher les licenciements et la casse du droit du travail, obtenir la régularisation de tous les sans-papiers, en finir avec les discriminations et la répression policière.

C’est à la construction d’une riposte et d’un front social contre le gouvernement et le Medef que les militant et les militantes libertaires vont, avec l’ensemble des mouvements sociaux, s’atteler dans les mois qui viennent. A l’opposé des alternances politiciennes, seul ce Front social peut permettre de rendre crédible une alternative politique pour rompre avec le capitalisme et ses institutions.

dimanche 22 avril 2007

ÉLECTIONS: Les anarchistes vous parlent...

Dans ces dernières jours de réflexion si décisifs pour l'avenir de la France, votre choix de vote peut encore basculer à tout instant, et ce, jusqu'à la dernière seconde.

Nous en sommes conscients et c'est pourquoi nous avons décidé de vous aider en vous apportant une réponse si claire qu'aucun média à ce jour n'a encore osé vous la dévoiler...

mardi 17 avril 2007

Le caudillo et le libertaire


En brandissant le 20 septembre 2006 à la tribune de l'ONU un exemplaire du livre de Chomsky, Hegemony and survival, Hugo Chavez créait l'événement. Certes, ce n'était pas le premier coup d'éclat du président vénézuélien et chef autoproclamé d'une révolution bolivarienne aux contours encore bien flous. Mais ce coup sortait de l'ordinaire: le livre grimpait subitement à la première place des ventes d'Amazone et son auteur se voyait assailli par des milliers de courriels. On peut toujours se féliciter du regain, même ponctuel, de la popularité du Noam Chomsky et de ses prises de position critiques à l'égard de l'impérialisme états-unien dans son propre pays - provoqué par l'hommage qui lui a été rendu en cette occasion. Venant de la part d'un personnage comme Hugo Chavez -dont le prestige révolutionnaire acquis ces dernières années est en grande partie redevable à la flambée du prix du pétrole, et qui s'affiche volontiers aux côtés de la vierge Marie devant ses concitoyens qui viennent de le réélire triomphalement, un tel hommage est cependant d'un goût plutôt douteux. Hugo Chavez a d'ailleurs cru bon de préciser qu'il regrettait de ne pas avoir connu l'auteur du livre lorsqu'il était encore en vie. Cette gaffe, au-delà de l'anecdote, me semble emblématique des rapports ambigus qui se sont établis depuis longtemps entre Chomsky et ceux qui invoquent ses prises de position politiques, tout en ignorant, ou faisant semblant d'ignorer, en méprisant voire en combattant par ailleurs, les idées et les principes avancés par le linguiste nord américain. Cela fait déjà un bon moment que l'on assiste à une instrumentalisation tous azimuts de Chomsky dont la position éthique, les références idéologiques et la démarche politique sont à mille lieues sinon à l'opposé des références idéologiques et des démarches politiques de nombre de ceux qui s'en réclament.

Pour s'en rendre compte il suffit d'ouvrir un de ses livres. Prenons le dernier paru en français, le troisième volume de Comprendre le pouvoir, qui vient d'être édité par Aden à Bruxelles. Le ton est donné dès le premier chapitre intitulé « L'intelligentsia capitaliste-léniniste » où il expose sa vision du socialisme libertaire en rappelant la justesse des prévisions de Bakounine et en procédant à une critique cinglante de ceux qui aspirent à devenir les « managers de la société » au nom de l'intelligence de la situation dont ils s'estiment les dépositaires. « Ce sont les mêmes brutes communistes, les brutes staliniennes d'il y a deux ans, qui dirigent maintenant des banques » et qui sont « les acteurs enthousiastes de l'économie de marché », écrivait-il à propos du pays issu du « coup d'État bolchevique d'octobre 1917 », coup d'État responsable à ses yeux de l'élimination des structures socialistes émergentes en Russie. Ce n'est pas la nature des gens qui explique cette évolution, mais le fait que ceux qui ne jouent pas le jeu sont rejetés, tandis que ceux qui le jouent s'en sortent, poursuit Chomsky. « Ceux qui sont impitoyables, brutaux et assez endurcis pour prendre le pouvoir sont ceux qui survivront. Ceux qui essaient de s'associer à des organisations populaires et d'aider la population à s'organiser elle-même, ceux qui assistent les mouvements populaires de cette façon ne pourront simplement pas survivre dans de telles situations de pouvoir concentré. » (pp. 7-1 1).

Faut-il préciser que, si Chomsky se situe résolument dans la deuxième catégorie, nombre des marxistes (léninistes), des populistes et des politiciens se réclamant du développement durable qui l'invoquent et s'emparent de certains de ses arguments sont davantage préoccupés par la prise du pouvoir, son exercice et sa conservation que par l'aide à apporter à la population pour s’organiser elle-même ?

Si tant de personnes épousant des convictions politiques aussi diverses sinon antagonistes peuvent se réclamer avec une telle nonchalance des déclarations de Chomsky, c'est aussi parce qu'elles se prêtent à cela, ou parce que leur auteur ne fait rien pour les en dissuader. Jusqu'à un certain point, cette objection est justifiée par la relative discrétion observée par le linguiste nord-américain à propos par exemple de l'autoritarisme rampant des sandinistes au pouvoir dans les années 1980 au Nicaragua, et surtout de la dictature castriste à Cuba depuis plusieurs décennies. En effet, parmi les victimes de cette dernière, on trouve des personnes qui ont beaucoup de points communs avec les militants anti-impérialistes et procubains du reste de l'Amérique latine, libertaires compris. Certes regrettable, parfois condamnable, cette discrétion n'est pas moins la conséquence inévitable de la démarche critique de Chomsky dans ce qu'elle comporte de plus original et de plus estimable sur le plan éthique par les temps qui courent. En effet, Chomsky s'engage contre les injustices propres au monde dont il est issu et dont il est partie prenante: les États-Unis d'Amérique. Il dénonce les injustices qui prévalent dans ce pays et, par conséquent, également les injustices générées par ce pays à l'échelle de la planète. Avec une persévérance parfois déconcertante, il se tient à cette ligne, ce qui le conduit à faire passer à l'arrière-plan les considérations idéologiques et à établir une sorte de graduation parmi les injustices dénoncées selon le degré de dangerosité des cibles de la critique. S'agissant d'un Chavez, par exemple, il se refuse d'épiloguer sur ses frasques ou dérives à venir et préfère rappeler l'implication des USA dans la récente tentative de coup d'État au Venezuela et l'épisode de l'essence vendue moins cher aux habitants des quartiers pauvres nord-américains laissés pour compte à la suite du geste généreux du caudillo vénézuélien. Il agit ainsi par souci non seulement d'efficacité, mais aussi et surtout pour être conséquent avec lui-même et avec la ligne de conduite qu'il s'est fixée. Et force est de constater que l'écart est énorme entre, d'une part, les dégâts causés en Amérique du Sud par la puissance des USA, relayée sur place par une bourgeoisie particulièrement arrogante, et, d'autre part, le danger que peut représenter l'accès au pouvoir de populistes parfois non moins arrogants et cyniques.

Précisons enfin, si besoin est, que ceux qui reprennent les arguments de Chomsky contre l'impérialisme yankee se montrent plus réticents, par commodité ou par opportunisme, lorsqu'il s'agit de dénoncer les formes de domination propres aux pays où ils se trouvent. De ce point de vue aussi, indépendamment des divergences idéologiques, ils se situent aux antipodes de la démarche de Chomsky.

Présidentielles 2007. L’ère médiatique casse-t-elle des briques ?

Comme dans les feuilletons à épisodes, il nous est donné de voir en ce moment lors de la campagne présidentielle, un coup de théâtre tous les deux jours... de peur que les gens s’intéressent à autre chose. Dans cette lutte des places impitoyable, un casting exceptionnel nous est proposé avec des acteurs de haute volée, au rôle fort bien scénarisé, et le tout servi avec un suspense digne de « Plus belle la vie ».

Il est étonnant d’y voir des personnages convaincants dans l’interprétation de la Platitude : Ségolène Royal tel Steven Segall bat tous les records d’expressivité et de « profonditude » dans ses réflexions politiques et ses prises de position furieusement enragées. On ne remerciera jamais assez les militants du PS d’avoir poussé sous les feux de la rampe une protagoniste aussi brillante par son absence d’idées que par sa réserve permanente sur tous les sujets.

Autre personnage récemment porté en haut de l’affiche : un petit jeune encore inconnu il y a peu, aux positions franchement radicales, et qui n’a de cesse de clamer son opposition au système : François Bayrou. Ce jeune rebelle est connu des services de police pour avoir un programme purement de droite sous couvert de position apartidaire et centriste. Cette forte tête s’oppose sans relâche aux discriminations qu’il subit de la part de ses concurrents sans pitié.

Sarkozy, acteur né, a réussi à s’imposer comme pièce centrale du scénario. Véritable illusionniste, il parvient à nous faire croire qu’il peut incarner la rupture alors qu’il est au gouvernement depuis cinq ans : il s’inscrit en cela dans la plus parfaite continuité des gouvernements précédents qui ont, chacun leur tour, accru les inégalités et la violence étatique, Sarkozy s’étant contenté d’accélérer le processus... bref que des claques dans la gueule pour la plupart des spectateurs. Et ce n’est certainement pas l’éternelle « victime » qui siège à sa droite, toujours blousée par un complot judéo-médiatico-poule-au-pot-maçonico-clandestin-tchécoslovaque qui, dans la course aux signatures, incarnera la rupture avec le système à travers son sketch indigeste et sur joué maintenant. Comment parler de rupture alors que ces deux derniers sombres comédiens ne poussent qu’à l’extrême l’idéologie déjà en place, dans sa forme la plus coercitive, xénophobe -voire totalitaire- ? Le jeu de Le Pen, depuis le temps qu’il a ce rôle de composition, est clair : masquer les différences de classe par des pseudo différences « nationales », stigmatiser le collègue « non français » afin de faire oublier l’universalisme des exploiteurs, et ce pour le plus grand bien des patrons.

Feuilleton dans le feuilleton : La gauche du PS. A côté d’Arlette, seule actrice à jouer toujours le même rôle depuis trente ans, s’ajoutent des seconds rôles plus ou moins issus de la profession dont des génies de l’improvisation comme José Bové, et même dans le rôle de l’homme invisible : Gérard Schivardi. Toujours prompts à pointer les abstentionnistes comme responsables des maux de la démocratie, et n’ayant pas réussi à proposer une unique candidature « antilibérale », Bové, Buffet et Besancenot ont chacun entrepris leur propre campagne unitaire (sic).

Ce feuilleton fleuve n’a rien à envier aux émissions électoralistes comme Star académy et consorts : les votes hebdomadaires par textos sont remplacés par les sondages et les guest-stars ne manquent pas au tableau pour venir soutenir leur candidat (J. Hallyday, Doc Gynéco, D. Debbouze, Diams, Trust...) Cette campagne se réduit à un espace de divertissements où tout le monde -journalistes et politiques- s’attache à mettre en avant les petites phrases et les questions de forme des candidats au lieu de profiter d’une aussi longue période pour développer les idées de fond que prétendent porter chacun-e. Les médias s’évertuent à déclarer que la campagne présidentielle est avant tout une rencontre entre des hommes/femmes politiques et les « Français ». Les émissions télévisuelles s’évertuent ainsi à présenter les protagonistes sous un registre humain. Mieux placés que quiconque, les candidats connaissent évidemment les « préoccupations-des-Français ». Mais lorsque celles-ci se portent sur le trafic d’influence et autre ristourne immobilière accordée à Mr Sarkozy [1], ou les fausses déclarations au Fisc de Mme Royal [2], les journalistes et les politiciens préfèrent soudainement se recentrer sur les « programmes » politiques des candidats.

Le public est spectateur de sa propre dépossession, organisée par une autre catégorie de professionnels : sociologues, politologues, commentateurs en goguette, et en dernier recours, les politiciens eux-mêmes. Ainsi le vote en soi n’exprime rien puisqu’il est besoin d’un arsenal de spécialistes -ultime caution de cette mise en scène, quelque soit le résultat-, pour tirer des interprétations des différents votes exprimés, preuve s’il en était que les programmes sont sans importance et que les médias et les hommes politiques ne croient pas eux-mêmes en ce qu’ils disent. L’électeur sincère qui votera pour une candidature d’extrême gauche se verra simplement « entendu » et ce seront les analystes sur les plateaux-télé, qui à sa place expliqueront son inquiétude sur les emplois etc., message que les politiciens feindront d’avoir entendu, ce dont l’électeur se fera une belle jambe.

Autre mythe perpétué par nos analystes : faire croire que le vote FN est un vote ouvrier. 30% des ouvriers voteraient pour le milliardaire du FN. Or les ouvriers ne votent pas plus pour l’extrême droite que la moyenne nationale, nos analystes n’ayant pas pris en compte le faible pourcentage de votants au sein de la classe ouvrière [3]. Par contre les classes moyennes supérieures votent plus pour l’extrême droite. On peut donc s’interroger sur les motivations profondes des médias, dont on ne saurait imaginer l’innocence, en colportant de tels mensonges. Que dire du fait que les journalistes ne reprennent généralement pas Le Pen lorsque celui-ci clame l’existence des races [4], ou autres manipulations et mensonges sur les statistiques ?

On ne nous a jamais autant répété que le vote était quelque chose de sérieux, alors que tout laisse à penser le contraire. Comment saurait-il en être autrement, dans la mesure où ces vingt dernières années d’alternance droite/gauche n’ont fait que démontrer l’impuissance des électeurs à influer sur le cours des choses, et l’absence de traductions concrètes de leurs aspirations (sauf dans le domaine sécuritaire) ? Ce ne sont pas les électeurs qui font les idées des élus, mais les élus qui fabriquent les aspirations de leurs électeurs, ainsi réifiées dans les intérêts de leurs représentants. L’absence d’illusions est la preuve patente aujourd’hui de l’insignifiance du vote. Le comble de l’insignifiance étant dorénavant que le vote pour Bayrou passe pour un vote protestataire...

Le vote est un acte individuel puisque c’est chacun dans l’isoloir qui va aller déposer un bulletin dans l’urne en pensant changer les choses, alors que c’est précisément le contraire qu’il faut faire : s’organiser collectivement. Ce n’est pas un acte politique au sens de l’organisation de la cité puisque chacun va voter selon ses propres intérêts immédiats, égoïstes et particuliers : le petit commerçant va voter pour payer moins d’impôts, l’enseignant pour le statut quo, au vu d’une situation matérielle satisfaisante dans l’état etc. Accepter le jeu « démocratique », c’est enfin se condamner à ne pas remettre en cause un système issu d’un vote majoritaire dit « légitime ». Pour oeuvrer à de profonds changements, la société doit pouvoir s’interroger sur elle-même. En dehors de ce questionnement collectif, les individus se condamnent à rester isolés et impuissants en terme de projet politique vers l’émancipation. Pour nous, un début de changement, est dans la désertion consciente des urnes.

vendredi 13 avril 2007

Matière à réflexion

Je peux d’autant mieux parle librement de l’abstention que je suis un abstentionniste. Pourtant je ne tire de cette situation, ni honte, ni fierté. Cette attitude m’est imposée par un système inique et manipulateur qui dépossède le citoyen d’un pouvoir qualifié de « souverain ». Ne pas dénoncer les apparences et s’y confirmer fait de nous des complices. Pourtant …

Les élections font de moins en moins illusions. Même pour un observateur peu curieux il est aujourd’hui évidents qu’elles constituent plus un alibi à un système qui se dit démocratique qu’un réel moyen d’expression des citoyens. L’abstention tente de plus en plus celles et ceux qui sont appelés aux urnes. L’abstention fait de plus en plus peur aux politiciens qui voient là, à juste titre, un désaveu cinglant de leur démagogie.

Le vote a fondé le fonctionnement « démocratique » de notre société. Le problème c’est le fossé qui se creuse entre ce que l’on pouvait espérer du vote et ce qui se passe réellement… au point que ce fonctionnement apparaît comme de moins en moins, et même plus du tout, démocratique.
Le vote apparaît aujourd’hui comme le meilleur moyen pour que … rien ne change. Car, même si les majorités changent, rien ne change véritablement dans la situation économique et sociale de l’immense majorité.

mardi 3 avril 2007

L'etincelle mexicaine


La prise en main des affaires socio-économiques par les peuples eux-mêmes, et dans un esprit communautaire, est encore un sujet brûlant d’actualité au Mexique.
« Que les systèmes économico-politiques qui se sont succédé sur le territoire de l’actuel Mexique aient tenté de liquider les structures socio-économiques antérieure à a conquête espagnole, voilà qui est à peu prés généralement admis. Pourtant le dynamisme interne de la tradition communautaire villageoise a permis à l’esprit communautaire de survivre à travers les siècles. » Nous pouvons lire ces lignes dans l’encyclopédie Universalis de 1968 à la définition de « Villageoise ». Ces thèmes de prise en main des affaires socio-économiques par les peuples eux-mêmes et d’esprit communautaire sont encore brûlants d’actualité au Mexique.
En effet, alors que la législation dite libérale lutte contre le régime communautaire traditionnel, les communautés indigènes s’organisent avec d’autres groupes dans l’espoir de mettre en place une transformation profonde du système politique des états. Cette volonté de se rassembler avec tous les insurgés contre le système politique local et fédéral trouve naissance dans le désir séculaire et intense des indiens de transformer radicalement les systèmes institutionnels et permettre une gestion des structures socio-économiques par les peuples eux-mêmes.
Deux initiatives actuelles en font une belle démonstration, l’Autre Campagne qui part des zapatistes dans l’état du Chiapas et l’Assemblée populaire des peuples de l’Oaxaca (Appo). Ces deux mouvements apparaissent dans deux états voisins, les plus pauvres de la fédération mexicaine et qui cumulent les plus forts taux de population indigène. L’Autre Campagne est lancée en juin 2005, au travers de la sixième déclaration de la forêt Lacandone.
Cette déclaration a été discutée dans les communautés zapatistes de base avant d’être adoptée. On peut y lire « peut-être qu’unis à d’autres secteurs sociaux qui ont les mêmes manques que nous il deviendra possible d’obtenir ce dont nous avons besoin et que nous méritons d’avoir. Un nouveau pas dans la lutte indigène n’est possible que si les indigènes s’unissent aux ouvriers, aux paysans, aux étudiants, aux professeurs, aux employés, c’est à dire aux travailleurs des villes et des campagnes. » Il s’agit de globaliser toutes les luttes des mexicains et du monde entier contre le capitalisme et ses conséquences dramatiques, de coordonner tous les exploités, tous les insurgés, tous les exclus de la société capitaliste de l’ensemble du Mexique, voire de la planète.
La première étape, la tournée de l’Autre Campagne dans tous les endroits du Mexique où elle y est invitée, consiste à rapprocher des personnes et des organisations qui résistent contre la globalisation libérale afin de créer un « programme national de lutte » vers la justice, la démocratie et la liberté pour le peuple mexicain.
Le mouvement zapatiste essaye ainsi de concevoir une autre façon de faire de la politique, qui s’attache à servir les autres sans intérêt matériel, avec honnêteté et dont le seul salaire soit la satisfaction du devoir accompli. Le fonctionnement de toutes les structures zapatistes fait preuve d’avancées autogestionnaires importantes.
Lentement mais sûrement l’Autre Campagne avance faisant des petits dans les états voisins du Chiapas, à Oaxaca, au Guerrero.
L’Oaxaca est une société pluriethnique et multiraciale où vivent 16 peuples indigènes, paradoxalement, la construction et l’exercice de l’autonomie et de l’autogouvernement de ces peuples sont sujets à une agression constante. Le gouverneur de l’état Ulises Ruiz Ortiz réprime les mouvements sociaux même pacifiques en toute impunité. C’est ce qu’il fit le 14 juin dernier pour mettre fin à une grève des enseignants. Il ne s’attendait pas à donner une occasion unique à la population oaxacaine de se rassembler autour d’une revendication forte, la destitution du gouverneur.
En effet, quelques jours plus tard prés de 360 organisations civiles, indigènes, politiques, syndicales, groupe de lutte formels et informels mettent en place l’Appo, considérant alors que le gouvernement institutionnel de l’Oaxaca n’existe plus. Il s’agit d’une assemblée ouverte à laquelle tous les habitants peuvent participer. Le peuple peut révoquer à tout instant celui ou celle qu’il a élu et qui n’accomplit pas sa tâche pour le bien commun. Ces principes d’assemblée souveraine et de révocabilité sont appliqués dans le fonctionnement zapatiste.
Dès sa première réunion, l’Appo décide que ses actions seront menées à partir de décisions collectives et horizontales. Elle s’engage à préserver l’autonomie des multiples organisations qui la compose.
Voilà neuf mois que le mouvement continue à Oaxaca et qu’il reste pacifique. Il est l’expression d’une volonté populaire face à un pouvoir totalitaire. La répression continue, elle aussi, d’être à l’ordre du jour. Ulises Ruiz ne fait que réprimer avec l’appui du gouvernement fédéral qui envoie ses troupes militaires fédérales et des médias qui cachent un véritable terrorisme d’état.
Pourtant de nouvelles communes autonomes fleurissent dans tout l’état. Des peuples qui n’avaient jamais trouvé les moyens de s’unir créent ensemble leurs assemblées populaires qui se coordonnent aux autres assemblées d’autres villes.
Jusqu’à présent l’assemblée populaire repose sur les pratiques ancestrales des communautés indiennes : les « autorités » désignées obéissent aux décisions prises par l’assemblée communautaire, ce que les zapatistes traduisent par « mandar obedeciendo » (commander en obéissant). Il s’agit de substituer à un régime autoritaire un gouvernement véritablement démocratique, selon le modèle des communautés indiennes, où les « autorités » sont désignées pour accomplir ou veiller à l’accomplissement des initiatives prises par l’assemblée du village.
L’Appo a déjà définie ses statuts, principes, son programme et ses objectifs. Un conseil des peuples de l’Oaxaca a été mandaté pour analyser les contextes international, national et régional ainsi que la crise des institutions pour entreprendre une réforme de l’état pour Oaxaca. Plusieurs forums ont été récemment organisés, pour permettre à la démocratie directe de révéler sa richesse, sur divers thèmes :

-Nouvelle démocratie et gouvernabilité
-Economie sociale et solidaire
-Vers une nouvelle éducation
-Vers de nouveaux services de santé
-Harmonie, justice et équité sociale
-Patrimoine historique, culturel et naturel de l’Oaxaca
-Moyens de communication au service des peuples...

Pour la société civile, la réforme de l’état de Oaxaca émanera de méthodes de consultation réellement démocratiques telles que sondages d’opinion, ateliers de réflexion régionaux, forums au niveau de l’Oaxaca, consultations publiques...
« Toutes les réformes réalisées au Mexique ont résulté d’une pression sociale et de mobilisations populaires, jamais de commissions officielles » (présentation publique, le 18 décembre, des réflexions d’une « initiative citoyenne de dialogue pour la paix, la démocratie et la justice » lancée début octobre) Le ministère de l’intérieur a autorisé des groupes de réflexion à la condition express qu’on y aborde exclusivement la réforme de l’état et non la libération des prisonniers politiques, ni la destitution d’Ulises Ruiz Ortiz (URO) qui « est en cours ».
De son côté, l’Appo ne renoncera à exiger ni le départ d’URO, ni qu’il soit châtié pour les crimes commis contre le peuple de Oaxaca, ni la libération immédiate et inconditionnelle de tous les prisonniers politiques et la présentation des disparus.
« En admettant que les réformes institutionnelles sont de quelque utilité pour faciliter de véritables changements, comment éviter qu’elles absorbent toutes nos énergies et concentrent tous nos espoirs au lieu de les placer dans la construction d’une complète autonomie ? » (Rubén Valencia Nùnez, conseiller de l’Appo pour la région de l’isthme de Tehuantepec et adhérant à l’Autre Campagne).
C’est ce qu’ont compris les zapatistes et aujourd’hui les membres de l’Appo en n’espérant plus rien du gouvernement en place et en orientant leurs efforts dans la construction d’une transformation radicale par et pour le peuple.
« L’Appo, échaudée par la répression et les gesticulations de la gauche parlementaire, se tourne vers les zapatistes et l’Autre Campagne, qui avaient dénoncé le leurre électoral. Malgré un état de siège de fait, un forum des peuples indigènes a réaffirmé que les communautés ne reconnaissent plus l’autorité du gouverneur et construisent un autogouvernement à partir des assemblées de villages » (Nicolas Arraitz, CQFD, hors série, la libre commune d’Oaxaca).
L’esprit communautaire gagne du terrain et en tentant de reprendre en main la gestion socio-économique de leur pays, les communautés indiennes réaffirment leur dignité et font connaître leurs modes de fonctionnement révolutionnaire.
Nous ne pouvons que regretter que les médias ne les éclairent pas davantage ! Ceux qui les détiennent auraient-ils peur que l’étincelle mette feu au Mexique ou plus loin... ???

SKAZAT