ENCORE UNE BAVURE POLICIERE
Témoignage poignant sur les évènements qui se sont réellement passés hier à la Gare du Nord. Cette nouvelle bavure, intervenant quelques jours après l'arrestation musclée d'un grand-père sans-papier venu chercher ses petits-enfants à Belleville, témoigne d'une réalité de plus en plus pressante, celle du glissement vers un Etat autoritaire, dont Mr. Nicolas Sarkozy en est l'instigateur.
Par Neal Santamaria, acteur militant sur le support Skazat
Je rentrais de Nice avec mes bagages quand j'arrive à Gare du Nord, vers 22h30. Là je sens une odeur de lacrymogène et je vois un monde fou, visiblement en colère pendant que les vigipirates (l'armée) et la police couraient dans tous les sens pour barrer certaines issues. Je demande à une fille la raison de toute cette agitation quand un type vient me voir, déclarant qu'il a tout vu. Je te donne la version telle qu'elle m'a été rapportée par plusieurs personnes (dont Karim qui se trouvait là à 21h).
Vers 15h, un gamin de 14-15 ans qui n'avait pas ses papiers et qui chahutait trop selon les contrôleurs se fait tabasser à la matraque par les flics de la station. Sur ce, une femme enceinte, se croyant protégée du fait de son état, intervient et insulte les flics matraqueurs. Elle se fait tabasser elle aussi et s'en sort avec un bras cassé. S'ensuit une agitation générale et une action "musclée" de la police qui met HS plusieurs personnes en essayant de repousser les gens. Peine perdue. Ils utilisent alors la lacrymo avec succès et bloque les entrées. Seulement Gare du Nord est une station où passent RER, bus et plusieurs lignes de métro ; si tu peux empêcher les gens de rentrer, tu ne peux pas les empêcher de sortir. L'agitation continue, au rythme des rames de métro et des badauds, tous choqués en voyant l'état des lieux. Certains, ulcérés défient ouvertement les forces de l'ordre qui continuent à répondre par la force. Les renforts arrivent et la confrontation prend encore de l'ampleur. Des vitres sont cassées et des pots de terre sont envoyés sur les flics. La situation est précaire, mais impossible de couper complètement le trafic. C'est à ce moment-là que j'arrive, je dépose mes bagages et repars aussitôt. Une amie et qqs potes du quartier étaient déjà sur place. Je constate l'utilisation systématique de la matraque. Des flics armés de flash balls et de boucliers bouclent la gare tandis que les renforts affluent, tant chez la police que chez les badauds. À 23h30, métro et ReR sont fermés pendant que les derniers voyageurs, maintenus en otage ne sortent de la gare qu'au compte goutte. À ce moment, l'une de ces personnes fait une crise de nerfs avant de se faire tabasser par les flics, les autres voyageurs s'énervent...matraquage général. Pendant ce temps, le pote de cette amie que j'avais rejointe insulte copieusement les policiers qui font toujours le guet devant la gare, en interdisant l'entrée à quiconque. Mon amie et moi arrivons malgré tout à nous faufiler et à voir brièvement ce qu'il se passe en bas avant de nous faire refouler de manière pour le moins "énergique". Ressortis, nous voyons les journalistes arrivés. Tout de suite nous les prenons à parti pour leur faire part de ce que nous avons vu. D'autres personnes se joignent à nous, avec parmi eux, un type qui essaie de nous expliquer que nous devrions nous estimer heureux ici en France et qu'en Égypte, un seul mail peut vous faire aller en prison. Le journaliste semble approuver...inquiétant. Nous engageons alors une discussion, se joignent encore d'autres personnes. À ce moment, une personne est envoyée discrètement vers le camion des pompiers, visiblement dans un sale état. Quelques esprits s'échauffent et les flics chargent. Nous reculons. Les flics avancent jusqu'au croisement alors que les camionnettes, les chars blindés se font de plus en plus nombreux. Au bout de la rue, les civils commencent à envoyer des casseroles, des canettes et des bouteilles sur les policiers. Mais les objets viennent à manquer. Qu'à cela ne tienne, ils font un feu qui détourne les bus de leur itinéraire. Me tenant derrière les flics, je crie à toutes les personnes ayant une caméra sur leur portable ou leur appareil photo de filmer ce qu'il se passe. À ce moment une bouteille tombe du ciel. Envoyée du 6e étage par une vieille dame. Devant les manifestants commencent à parler aux caméras. Certains disent qu'ils iront voter et que Sarko partira -ce à quoi un flic répond qu'il n'est plus au gouvernement depuis quelques jours. Une gamine dit que normalement on n'a jamais "l'occasion de rigoler à Paris" et qu'"il faut aller en banlieue d'habitude pour voir ça. Je lui fais alors remarquer que cette histoire n'est pas "fun", qu'il s'agit d'une femme enceinte frappée par les flics et qu'on assiste à la répression policière dans toute sa splendeur. Pendant ce temps, les pompiers éteignent le feu.
De plus en plus de personnes commencent à partir. Il est 00h30, un jour de semaine, et certaines personnes ont encore du trajet à faire avant de rentrer chez elles. L'agitation semble s'éteindre petit à petit. Je ne peux m'empêcher malgré tout de me poser quelques questions. Si la police n'était pas intervenue après leur "bavure" initiale, cette situation aurait-elle duré aussi longtemps ? Y aurait-il eu les blessés, le feu ? Les journalistes sont finalement venus filmer cet événement, mais comment en parleront-ils. Une phrase revenait souvent dans leur bouche : "ce pourrait être pire", ce à quoi je répondais : "ce pourrait être mieux et nous sommes nombreux ici à trouver ça désolant ! Et vous quel sera votre rôle ? 4e pouvoir ou porte-parole du gouvernement ?"
L'avenir proche répondra à moins à cette dernière question.